Le jury de la SFMC a décidé d’attribuer le prix Haüy-Lacroix 2025 conjointement à Jeanne Caumartin et Timmo Weidner.
La thèse de Jeanne Caumartin, intitulée « Etude des déterminants environnementaux et de l’anoxie dans la formation des microbialites » a été effectuée à l’Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie (Sorbonne Université) et au laboratoire Ecologie, Société et Evolution (Université Paris-Saclay) sous la direction de Karim Benzerara et Purificaciόn Lόpez-García. Ce travail a montré l’existence de microbialites actuelles, des roches formées par des microorganismes, dans des milieux saisonnièrement anoxiques en contraste avec la plupart des actuelles connues jusqu’alors. Ceci est particulièrement intéressant puisque ces objets actuels sont souvent utilisés comme analogues des microbialites fossiles, dont les plus anciennes, vieilles de plusieurs milliards d’années, prospéraient elles aussi en conditions anoxiques. Une approche combinant des études de minéralogie, d’analyse de la diversité microbienne et de la géochimie des solutions sur des échantillons naturels et incubés en laboratoire a été utilisée. Cela a permis (i) de mettre en évidence l’existence d’un seuil critique de saturation des solutions vis à vis des phases minérales carbonatées, proche de la solubilité de phases amorphes, nécessaire à la formation des microbialites, (ii) d’identifier des signatures minéralogiques et géochimiques de l’anoxie, entraînant également des adaptations microbiennes, et (iii) de détecter des changements minéraux diagénétiques précoces dans ces structures, induisant la formation de phases carbonatées comme la huntite. Ces résultats permettront d’améliorer notre connaissance des distributions géographique et environnementale des microbialites actuelles, et de mieux comprendre dans quelle mesure des changements environnementaux majeurs, notamment ceux liés aux activités anthropiques, pourraient influencer la composition minérale et l’écologie microbienne de ces écosystèmes.
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La thèse de Timmo Weidner, intitulée « Tomographie électronique des dislocations – Applications et associations à la mécanique des milieux continus et à la dynamique des dislocations », a été réalisée au sein du groupe Plasticité de l’Université de Lille dans le cadre du projet TimeMan, sous la direction d’Alexandre Mussi, Karine Gouriet et Patrick Cordier. Ses recherches visaient à approfondir la compréhension de la déformation plastique des minéraux grâce à la tomographie électronique des dislocations, une technique permettant des reconstructions tridimensionnelles des microstructures de dislocations à partir de microscopie électronique en transmission. Allant au-delà de la simple caractérisation, ses travaux ont combiné tomographie et mécanique des milieux continus, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour intégrer la microscopie électronique à la modélisation de la dynamique des dislocations. Un axe central de sa thèse portait sur le rôle de la montée des dislocations (climb) aux vitesses de déformation naturelles. Par la modélisation de la dynamique des dislocations dans la périclase, il a montré qu’aux pressions du manteau inférieur, la diffusion des anions devient extrêmement lente, faisant de la montée le mécanisme limitant du fluage. Il en résulte que la périclase se déforme plus lentement que la bridgmanite, conduisant à la conclusion que la rhéologie du manteau est principalement contrôlée par la bridgmanite, qui se déforme majoritairement par montée pure. L’application de la tomographie électronique à du quartz naturellement déformé a révélé une contribution significative de dislocations en configuration de « montée mixte », où la montée ne se limite pas à un processus de restauration, mais participe activement à la déformation plastique. L’observation de configurations similaires dans l’olivine indique que ce mécanisme n’est pas propre au quartz. Dans l’ensemble, cette thèse souligne les limites des seules données expérimentales issues du laboratoire et met en avant la nécessité de techniques de caractérisation 3D avancées pour comprendre pleinement les mécanismes de déformation à l’œuvre dans l’intérieur de la Terre.