Historique de la SFMC

ORIGINE DE LA S.F.M.C.

La Société Française de Minéralogie et de Cristallographie a vu le jour le 21 mars 1878. Nous devons sa création à Monsieur DES CLOIZEAUX, professeur au Muséum d’Histoire Naturelle, qui prît l’initiative de réunir des scientifiques de l’époque dans la salle des Actes de la Sorbonne en leur ayant au préalable fait parvenir la lettre suivante :

« Monsieur, 

Quelques minéralogistes ont pensé qu’il y aurait un certain intérêt à se réunir une fois par mois pour s’entretenir des travaux scientifiques récents qui peuvent intéresser la minéralogie.

J’ai donc l’honneur de vous inviter à vouloir bien vous trouver le jeudi 21 mars à la Sorbonne, salle des Actes, escalier n°3, à 5 heures de l’après-midi.

Agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée. »

A. DES CLOIZEAUX
descloizeaux

Sur 200 personnes invitées, 43 répondirent à cet appel et se firent inscrire aussitôt comme membres à part entière de la Société.
Parmi elles on peut noter la présence, entre autres, de Messieurs RICHARD, THOULET, FOUQUE et LEVY. Le nom de « Société Française de Minéralogie et de Cristallographie » convint à tous et malgré quelques revirements au cours du temps fut jusqu’à ce jour inchangé depuis 1974.

MOTIVATIONS PREMIERES ( d’après Jean WYART )

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler les préoccupations des minéralogistes qui les ont conduits, en 1878, à se réunir pour discuter de leurs travaux alors qu’ils appartenaient déjà à la Société Géologique de France que certains avaient créée quelques années plus tôt, en 1830.
La minéralogie est une science vieille comme le monde. Envisagée dans toute son étendue, elle a été considérée comme la branche des Sciences Naturelles qui embrasse le monde minéral, et elle comprend alors toutes les Sciences de la Terre. De tous temps, les hommes ont utilisé les minéraux pour leurs outils, leurs matériaux de constructions, leurs objets d’ornement. Ils sont devenus prospecteurs, mineurs et ont acquis des connaissances pour reconnaître, trouver, exploiter les substances minérales utiles. On trouve des vestiges de mines, en divers endroits du monde, vieux de deux mille ans, avec des sondages de plusieurs centaines de mètres qui révèlent une connaissance avancée de la géologie. Parmi les plus vieux écrits, certains, comme ceux de PLINE l’Ancien, au début de notre ère, de MARBODE, au onzième siècle, d’AGRICOLA, au début du seizième siècle, sont entièrement consacrés à la minéralogie.

Cependant, jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, la minéralogie ne décrivait qu’une cinquantaine de minéraux qui constituaient l’écorce terrestre et dont certains étaient fort recherchés pour leurs applications.

euclase

De science descriptive et utilitaire, elle est devenue une science exacte quand René-Just HAÜY présenta en 1781 sa théorie de la structure des cristaux. Il créait la cristallographie avec un critère géométrique contrôlé par les mesures au goniomètre des angles drièdres des faces des cristaux. En définissant « l’espèce minéralogique comme une collection de corps dont les molécules intégrantes sont semblables par leurs formes et composés des mêmes principes unis entre eux dans le même rapport », il caractérisait le minéral, dans notre langage, par le parallélépipède élémentaire qui est la maille et par le contenu atomique de cette maille. Il expliquait, avec la précision du goniomètre, toutes les formes cristallines que peut revêtir un même minéral. Il enrichissait la minéralogie d’un grand nombre d’espèces nouvelles.
René-Just HAÜY et un extrait de la planche III de son « Traité de Minéralogie » (1801) montrant l’empilement des « molécules intégrantes » (concept de maille cristallographique) dans un cristal de calcite.

Hauy

En même temps, la chimie se développait rapidement et devenait aussi une science quantitative avec l’usage de la balance, et les découvertes de LAVOISIER, de PROUST, de DALTON, de BERZELIUS conduisant ainsi à l’analyse chimique précise des minéraux.

Les progrés simultanés de la cristallographie et de la chimie enrichissaient la minéralogie. Cependant, « l’hypothèse réticulaire » de HAÜY n’avait pas reçu un accord unanime, et les calculs cristallographiques rebutaient de nombreux naturalistes et chimistes.

Dans les premières années du dix-neuvième siècle, des discussions s’engagèrent entre HAÜY et BERZELIUS qui rejetait la théorie des cristaux de HAÜY et considérait « la minéralogie en elle-même comme partie de la chimie ne pouvant avoir d’autre base scientifique que chimique ».

Les progrès de la cristallographie avec DELAFOSSE et BRAVAIS, l’utilisation de l’optique cristalline à l’identification des minéraux, en particulier par DES CLOIZEAUX, conduisaient aussi à des travaux plus près du laboratoire que des courses géologiques sur le terrain.

bravais

delafosse

Et c’est pourquoi certains minéralogistes cristallographes éprouvèrent , en 1878, le besoin de fonder notre Société…

LA FIN DE LA LUTTE ENTRE NATURALISTES ET CRISTALLOGRAPHES

La Minéralogie se situe au carrefour des sciences mathématiques, physiques, chimiques, naturelles et cosmogéniques. Les savants qui ont fondé notre Société se répartissaient en deux groupes distincts : d’une part les naturalistes et pétrographes ayant à leur tête FOUQUE, bientôt assisté d’Alfred LACROIX ; d’autre part les cristallographes, MALLARD, WYROUBOFF, DUFET, le pont étant établi par DES CLOIZEAUX. Il faut reconnaître que ce pont ne parvenait pas toujours à réaliser une union complète entre groupes. Les cristallographes d’antan ont été plus agressifs que les naturalistes ; il arrivait à certains d’entre eux de montrer des dièdres bien aigus et d’employer dans leurs mémoires des expressions assez peu aimables pour nécessiter des corrections.
Mais cependant un des traits fondamentaux de notre Société fut la cordialité qui a toujours régné entre ses membres, les anciens étant prêts à aider les débutants et ceux-ci marquant la plus grande déférence pour leur aînés. Parce que la science n’a nul besoin de querelles internes (hélas trop fréquentes!) nous espérons que le plus grand nombre saura s’inspirer du bel exemple d’unité et de passion scientifique désintéressée dont ont fait preuve les fondateurs de la S.F.M.C.

LE BULLETIN DE MINERALOGIE

Lors de la première réunion de la Société, une commission fut chargée d’organiser la publication du bulletin mensuel. Il rend compte de l’activité intense de la Société en minimisant cependant celle de ses membres.
En effet, il ne faut pas oublier les nombreux ouvrages d’importance, trop volumineux pour être publiés, rédigés par les sociétaires. Son objectif premier, à savoir « établir un lien entre tous ceux qui s’intéressent aux progrès de la Minéralogie et de la Cristallographie », semble inaltéré à ce jour. On peut même constater que ce lien s’est élargi aux différents pôles des sciences de la Terre.

Le premier bulletin rend compte de la volonté affichée des membres de la Société de créer une unité novatrice et rigoureuse affectée aux « sciences de la pierre ». La première note publiée dans ce bulletin est due à HAUTEFEUILLE et se rapporte à la cristallisation de la silice par voie sèche, à la reproduction du quartz et de la tridymite. A cette époque, en effet, plusieurs chimistes portaient leurs efforts sur la reproduction des minéraux par voie sèche ; ils reproduisirent un grand nombre de cristaux.

Mais l’importance et l’intérêt de ces recherches ne furent mis en évidence que par FOUQUE et LEVY, sur la reproduction de tout un groupe naturel de cristaux, ceux constituant les roches volcaniques. Les expériences cristallogéniques sont fréquentes aujourd’hui ,et surtout bien maîtrisées grâce aux progrès techniques. En 1880 il n’en était pas de même et les recherches étaient peu nombreuses. C’est également vers 1878 que commencèrent les recherches théoriques et expérimentales sur l’isomorphisme relatées dans le bulletin. Le polymorphisme fut offert à l’attention des membres de la Société par la publication dans le bulletin d’un mémoire de MALLARD intitulé : « De l’action de la chaleur sur les substances cristallisées ». Par la suite, bien d’autres articles contribuèrent à la renommée de la Société.

De 1878 à 1978, 122 espèces minérales ont été décrites dans les pages du bulletin dont 90 restent encore valables. Ces espèces ont parfois des noms « barbares » car ils reflètent les noms de beaucoup de ceux qui ont contribué au développement de la minéralogie, de la cristallographie et de la géologie. On peut déplorer que des espèces dédiées à des représentants éminants se soient révélées par la suite sans valeur. Tel est malheureusement le cas de la toute première « espèce nouvelle » publiée dans le bulletin : la braivaisite (en fait un interstratifié d’illite et de montmorillonite). A ce titre, nous pouvons saluer le travail des comités de « nomenclature » dans la reconnaissance des nouvelles espèces. Vous trouverez une liste de celles qui incombent à la Société et qui ont été publiées dans le bulletin. Le bulletin de Minéralogie n’est plus publié depuis 1989, date à laquelle il a cédé sa place à l’European Journal of Mineralogy.

Le Bulletin de la Société minéralogique de France (1878-1885) et le Bulletin de la Société française de Minéralogie (1886-1948) sont numérisés et disponibles en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.