Membre de l’Académie des Sciences, Professeur émérite de l’Université Paris-Sud et premier directeur du Laboratoire de Physique des solides d’Orsay, Président de la SFMC en 1960.
André Guinier nous a quittés. Il était âgé de 89 ans. Il fut l’une des grandes figures de la cristallographie au cours du siècle qui s’achève.
Il naquit à Nancy où son père, membre de l’Académie des Sciences dans la section d’économie rurale, était directeur de l’Ecole Forestière. Excellent élève, il entra à l’Ecole Normale Supérieure en 1930 où il opta pour la physique sous la direction de maîtres tels que G. Bruhat, H. Abraham et E. Bloch. C’est Charles Manguin, professeur à la Sorbonne, qui lui donna le goût de la cristallographie. Les premiers travaux d’André Guinier ont été consacrés la conception et à la réalisation d’une chambre de diffraction des rayons X, munie d’un monochromateur, dont la géométrie conduisait à une parfaite focalisation des faisceaux. Cette chambre, très communément nommée « chambre de Guinier », permit de remarquables progrès en radiocristallographie .
En particulier, il devenait possible d’étudier la diffusion des rayons X au voisinage immédiat du faisceau incident. André Guinier fut le pionnier de l’observation de cette « diffusion aux petits angles », qui le conduisit à une étude quantitative d’un grand nombre de types de défauts cristallins. Chacun connaît les « zones de Guinier-Preston », zones de concentration de l’un des types d’atomes composants dans un alliage (le premier exemple fut Al-Cu).
André Guinier démontra le rôle de ces « zones G-P » dans le phénomène de durcissement structural, si important en métallurgie. La diffusion aux petits angles amena André Guinier à définir un « rayon de giration » des agrégats de toute nature qui pouvaient ainsi être étudiés.
Les défauts cristallins sont parfois dus à des effets d’irradiation. André Guinier et ses élèves ont ouvert, dans ce domaine, des percées très remarquables. Et c’est aussi l’un des très grands mérites d’Anfré Guinier d’avoir toujours su s’entourer de collaborateurs de premier plan, et donner l’élan de départ à de nombreux chercheurs talentueux. L’un des plus brillants d’entre eux fut Raymond Castaing. Le concept de la « microsonde de Castaing » est issu du laboratoire Guinier et la première publication annonçant cette sonde (1948) est cosignée par Guinier et Castaing.
Parallèlement à ses travaux de recherche, André Guinier eut le très grand mérite de rédiger des livres et traités qui font date dans l’enseignement de la cristallographie. Son ouvrage sur la « Théorie et technique de la Radiocristallographie », paru en première édition en 1956, réédité et traduit en quatre langues, fut une bible pour les cristallographes.
André Guinier sut aussi assumer avec élégance et efficacité des responsabilités organisationnelles très variées. Il fut président de la Société Française de Minéralogie et de Cristallographie, président de la Société Française de Physique, président de l’Union Internationale de Cristallographie. Il était un membre actif et très écouté de l’Académie des Sciences. A la création de la Faculté des Sciences à Orsay, il accepta d’en assumer la direction. Il est l’un des fondateurs du Laboratoire de Physique des Solides d’Orsay. Grâce à André Guinier et Jacques Friedel, on peut dire que ce laboratoire fut impliqué dans les avancées les plus significatives de cette branche scientifique si féconde.
C’est un savant, c’est un découvreur et réalisateur, c’est aussi un ami qui nous quitte. Il fut pour tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître un maître stimulant et chaleureux.
Hubert Curien